Daniel ARGOTE (promo 1927-1930)

 

Daniel Argote, né le 21 juillet 1910 à Bayonne et décédé le 10 août 1944 à Orthez, est un instituteur et résistant français.

 

L'instituteur

  Fils d'un menuisier du quartier Saint-Esprit de Bayonne, Daniel Argote entre en 1927 à l'École normale de Lescar (actuel Lycée Jacques-Monod), dont il sort en 1930. Il est alors nommé à Sare, où il exerce une année.

  De 1931 à 1932, il effectue son service militaire dans l'infanterie alpine. Démobilisé à l'automne 1932, Daniel Argote épouse Émilie Eucher-Lahon. Ils auront quatre enfants dont Guy (promo 1958-1962) et deux qui meurent en bas âge.

  Il est alors nommé instituteur à Banca puis, en 1934, à Saint-Martin-d'Arrossa. Dans cette école communale, il se fait alors remarquer par son engagement en faveur de la mixité dans les classes et entre en conflit avec le curé. Dans le contexte de la Guerre d'Espagne, Daniel Argote est détaché de son poste d'instituteur pour être nommé responsable des centres d'accueils pour enfants de réfugiés espagnols dans la région de Bayonne. Des colonies, de taille réduite, sont installées dans de grandes villas inoccupées et réquisitionnées: Bon Air, Chabiague, Lilinita à Biarritz ; Erretegia à Bidart ; Chantana à Ustaritz ; une partie de l'ancien hôpital militaire devenu lycée technique à Bayonne, etc .

 

Le franc-maçon

  Franc-maçon, Daniel Argote est initié en 1934 au sein de la loge La Zélée (à Bayonne), du Grand Orient de France. Élevé au grade de maître en 1936, il participe à la loge internationale (franco-espagnole) Spartacus (à Hendaye), au sein de laquelle il remplit la fonction élective de Secrétaire à partir du 17 décembre 1936.

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Le soldat

  En 1939, pendant la drôle de guerre, Daniel Argote est mobilisé comme chef de section (adjudant) au sein des Chasseurs pyrénéens. Fin 1940, il est fait prisonnier avec son régiment en Alsace. En 1941, il est libéré après treize mois de captivité car père de  4 enfants  (le dossier monté par sa femme mentionne quatre enfants, sans préciser que deux sont déjà morts), dont Guy (promo 1958-1962). Il va bénéficier d’une mesure du Reich qui favorise le retour des hommes ayant une famille

 

Le résistant

  Daniel Argote devient alors, en octobre 1941, instituteur à Sallespisse , où il fait aussi fonction de secrétaire de mairie. Sallespisse est une commune située sur la ligne de démarcation, en zone occupée. Daniel Argote organise les passages en zone libre. Il se sert en effet de sa position de secrétaire de mairie pour fournir des fausses pièces d'identité, pour distribuer aux réfractaires du STO et aux maquisards des tickets d'alimentation.

  À l'automne 1943, la direction de l'Armée secrète pour le secteur d'Orthez lui revient. Comme chef militaire, il coordonne les actions de résistance, aménage un terrain de parachutage, se procure armes et munitions, établit un contact radio avec Londres. Depuis le débarquement allié du 6 juin 1944, Daniel Argote organise l'exfiltration de déserteurs polonais de l'armée allemande, par petits groupes de deux ou trois. Au début du mois d'août, il est contacté pour organiser la fuite d'un groupe plus important de soldats, une vingtaine. Le 10 août 1944, après avoir contourné à bicyclette la Papeterie d'Orthez, Daniel Argote rejoint la route de Biron: il tombe sur une embuscade et est abattu sans avoir le temps de s'échapper. Son corps est transporté sur une charrette à La Moutète , où il est gardé vingt-quatre heures par les occupants allemands . Le 11 août 1944, à 20 heures, Daniel Argote est enterré au cimetière d'Orthez par ses camarades de l'Armée secrète [?], qui ont remplacé les employés des Pompes funèbres pour rendre un dernier hommage à leur chef.

  Le lendemain les Allemands perquisitionnent l’école de Sallespisse, désertée en toute hâte par Mme Argote et son bébé, arrêtent M. Eucher-Lahon, son père, qui disparait à tout jamais.

 

  A Orthez, un collège et une avenue portent son nom ainsi qu’une rue de Bayonne.

  A Saint-Martin-d’Arrossa et à Sallespisse, l’école communale porte aussi son nom.

  A Sallespisse, une plaque portant son nom est apposée à la mairie et à l’école:


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  Voici le discours prononcé par le Maire, devant l'Ecole lors de l'inauguration de la plaque ci-dessus:

Monsieur le Député,
Monsieur le Directeur de l'Office National des Anciens Combattants,
Monsieur le Représentant de l'Inspecteur d'Académie,
Madame l'Inspectrice de l'Education Nationale,
Monsieur le Maire d'Orthez et Président de la Communauté des Communes,
Monsieur le Président du Comité du Mémorial d'Orthez,
Monsieur le Conseiller régional,
Messieurs les Conseillers Généraux,
Monsieur le Colonel, délégué militaire départemental,
Monsieur le Capitaine, Commandant la Compagnie de Gendarmerie d'Orthez,
Messieurs les Représentants des Associations Patriotiques, civiques et citoyennes,
Mesdames, Messieurs les Elu(e)s,
Mesdames, Messieurs,
  A Orthez, ce matin, nous nous sommes recueillis à l'endroit même – marqué par une stèle – où Daniel Argote est tombé sous les balles des ennemis.  

Ici, à Sallespissse, devant cette Ecole, dans cette cour de récréation, nous évoquerons et nous saluerons Daniel ARGOTE, le père, le citoyen, l'Instituteur et Secrétaire de mairie et, par-dessus tout, le Résistant.
Fermons les yeux. Imaginons-nous le 10 et le 11 août 1944 : l'effroyable nouvelle a abasourdi et consterné tout le village. Je me mets à la place de Mr BORDENAVE Romain, Maire durant ces terribles années !
La crainte s'est installée à la vue des soldats ennemis, armés et nerveux, venus perquisitionner la Mairie, le logement de l'Instituteur, à la recherche des
membres de la famille de Daniel ARGOTE ou d'autres Partisans.
Profitant d'un moment d'inattention de la sentinelle (d'une bienveillante inattention ou d'une inattention provoquée, selon la tradition locale), Madame ARGOTE s'échappe avec son enfant Guy, âgé de 18 mois, dans ses bras,... par là...., derrière le logement, en direction du bourg, puis des champs. Un peu plus loin, dans sa course, elle confiera son bébé à une Sallespissienne qu'elle croisait.
Les soldats ennemis découvrent, dans le préau, des armes et du plastic.
Ils attrapent Mr EUCHER-LAHON, beau-père, et l'emmènent avec eux; on ne le reverra jamais plus. N'oublions pas de l'associer à l'hommage rendu à son gendre.
Peut-être que son sacrifice aura permis d'apaiser la colère et la hargne des soldats. Vraiment, la population a craint le pire, c'est à dire, les représailles.
Le 10 août 1944, ici-même, une page de l'histoire de Sallespisse s'est écrite en lettres de sang. Cette page a été gravée, très vite, sur la pierre du Monuments aux Morts. Un rappel a été fait par la pose d'une plaque sur la façade de la Mairie, en 1994, à l'occasion du cinquantenaire.
Aujourd'hui, 11 septembre 2004, c'est à dire, 60 ans après ce terrible fait de guerre, au même endroit, une autre page de l'histoire de notre village s'écrit avec des souvenirs, beaucoup de souvenirs, des fleurs, des retrouvailles, des liens qui se renouent. C'est réellement une page de bonheur, de ce bonheur qui renaît,
après de longues années, des cendres de la mort, de la douleur et peut-être de la haine.
Qui, à Sallespisse, pouvait deviner que cet homme costaud, jovial, simple, ce père de famille, ancien prisonnier de guerre, était le Chef militaire de l'Armée Secrète du secteur d'Orthez, un homme – citoyen soldat – se donnant corps et âme au service de la Résistance, dans la discrétion, dans le secret, dans l'ombre ?
Combien de fois n'ai-je pas entendu : « on n'aurait jamais imaginé.....On n'a su que très tard ce qu'il était et ce qu'il faisait …. »
La vie de Daniel ARGOTE est, maintenant, pour l'essentiel, bien décrite, bien écrite dans les différents articles et ouvrages publiés ces dernières années.
Une exposition vous sera proposée à la salle des fêtes.
Mais les Sallespissiens ont, surtout, connu le Secrétaire de Mairie, serviable – secrétaire de mairie, un poste stratégique sur la ligne de démarcation en zone occupée – qui lui permet de fabriquer de fausses cartes, des tickets d'alimentation, d'organiser une filière de passages clandestins vers la zone libre.
Les Sallespissiens ont, surtout, connu l'Instituteur. Comment pourrais-je en parler, moi qui suis né après la guerre à une quarantaine de kilomètres d'ici ?
Je me propose de vous lire le témoignage que m'a remis une ancienne élève de Daniel ARGOTE, il y a quelques jours.
….. lettre de Mme LUCQUIAUD Marie, née BERGOS, maison Tarramun, à Sallespisse....
Sa belle oeuvre de vie le garde vivant !
Je voudrais ajouter un témoignage fervent à l'hommage rendu à M. ARGOTE.
    "Il a été un pilier essentiel à ma structure de vie. Il était intéressé par chacun de ses élèves, exigeant et encourageant quant aux efforts à fournir, intransigeant quant à la probité.
    Il savait éveiller notre curiosité, nous initiant à la beauté par le choix de ses textes, l'approche de la musique classique, à travers les diverses disciplines.
    A l'époque, il n'y avait pas d'autre apport extérieur à la culture, les nombreuses sources actuelles n'existant pas ou n'étant pas accessibles à tous.
    Il a été notre guide précieux.
    Un enfant reçoit, perçoit, mais n'analyse pas. C e n'est que plus tard que l'on réalise et apprécie la chance d'avoir eu, au départ de la vie, un guide exceptionnel.
    A l'époque où beaucoup d'élèves venaient de grandes villes, d'horizons divers (NDRL : il s'agit des petits parisiens de l'Assistance Publique). On appréciait son respect des diverses confessions, sa         tolérance, sa faculté, par l'intérêt porté à chacun, de savoir donner confiance et faire découvrir le potentiel de chacun.
    L'accès aux études n'était pas automatique, ou possible pour tous; nous sommes reconnaissants de lui devoir l'accès à ces chances de vie.
    La découverte de son engagement de vie, sans recherche de considération, de gloire, au service de ce noble idéal qu'est la préservation de la liberté, servie par la culture, la lutte contre l'asservissement, la défense du respect de la dignité humaine.
    Sa lutte encore pour que d'autres puissent vivre debout, ne peut que renforcer ce sentiment d'affection que je lui portais dès l'enfance par celui de ferveur et de respect.
    J'aimerais que tous ces dons généreux distribués, ces ferments de qualité, développés, constituent une force d'harmonie, un baume où puissent se ressourcer ceux qui ont souffert de son absence.
    Sa belle oeuvre de vie le garde vivant !
    Je veux lui dire : merci « de vous » Monsieur ARGOTE.

C'est par ces mots que ce termine ce témoignage vibrant !
POURQUOI ? POUR QUELLE MOTIVATION ? POUR QUI ? Daniel ARGOTE a-t-il payé de sa personne jusquà perdre sa vie ?
Pour libérer sa Patrie, son Pays.
Pour répondre à l'appel du Général de Gaulle.
Parce qu'il était animé par les valeurs républicaines, essentielles pour être un Homme :
    - ces valeurs républicaines
    - semées par ses parents, dès sa naissance le 21 juillet 1910, au quartier Saint Esprit de Bayonne,
    - germées à l'école primaire de Bayonne,
    - cultivées à l'Ecole Normale de Lescar,
    - approfondies – par la réflexion – à La Zélée, avec ses frères francs-maçons,
    - et expérimentées dans plusieurs écoles du Pays Basque (Sare, Banca, Saint martin d'Arrossa) et à Sallespisse à partir d'Octobre 1941,
    - mises en pratique dans son action humanitaire (de 1936 à 1939) en faveur des enfants réfugiés espagnols et de leurs familles,
    - avant d'être mobilisé comme adjudant dans les Chasseurs Pyrénéens,
    - d'être fait prisonnier,
    - puis d'être libéré parce que père de 4 enfants en bas-âge (2 étant, en fait, décédés).
Ces valeurs républicaines qui se résument, vous l'avez deviné, sous les 3 mots, sous la devise :
LIBERTE EGALITE FRATERNITE
qui fleuriront et s'épanouiront, dans son action extraordinaire de Résistant.
Le Conseil Municipal a répondu, avec enthousiasme, à la proposition de M. CUYEU de donner le nom de Daniel ARGOTE à notre Ecole.
C'est certainement, le plus grand hommage que notre Commune puisse manifester à son Instituteur.
ECOLE COMMUNALE DANIEL ARGOTE
    - une plaque que nous découvrirons mais c'est, surtout, le relais, le flambeau que les Anciens passent, ce jour, aux enfants de l'Ecole pour perpétuer à la fois le
souvenir de l'Instituteur Public et du Résistant. Aujourd'hui, c'est bien plus que le devoir de mémoire, c'est le relais du souvenir.
Et, pour terminer, comment ne pas citer les mots de M. Gérard FORGUES, le 17 mars 1994, devant le Collège Daniel ARGOTE à ORTHEZ ?
« A nos yeux, Daniel ARGOTE, est digne de cet hommage officiel tant sa vie irréprochable et hors du commun peut servir d'exemple aux élèves qui seront accueillis dans cet Etablissement au long des rentrées scolaires ».
Je cite, encore, les mots de M. Fernand HILLOULIN, mon prédécesseur, ici présent, prononcés devant la Mairie en 1994 :
« Daniel ARGOTE possédait une volonté d'action sociale et éducative et réveilla ainsi l'Amicale Laïque ».
Et M. Louis PETRIAT, ici présent, le prédécesseur de mon prédécesseur, me disait hier :
« Daniel ARGOTE ? C'était un homme extraordinaire, au dessus de la moyenne ».
Remerciements :
    merci de tout coeur à vous, les enfants, les élèves, de l'Ecole Communale Daniel ARGOTE : vous avez été, aujourd'hui, de valeureux petits partisans. Vos
maîtres et vos parents peuvent être fiers de vous.
    Je remercie, Monsieur le Maire d'ORTHEZ, la ville d'ORTHEZ, et ses services techniques, pour le concours,
    je remercie la Police Municipale d'ORTHEZ, la Gendarmerie Nationale,
    un grand bravo à l'Harmonie Municipale,
    j'adresse tous les remerciements à vous les portes drapeaux, toujours fidèles aux rendez-vous du Souvenir,
    je ne voudrais pas oublier de remercier M. André CUYEU, Président du Comité du Mémorial, l'initiateur, l'ordonnateur et le coordonnateur de cette belle
manifestation et qui, en plus, nous a offert la plaque Ecole Communale Daniel ARGOTE.
    merci enfin à vous tous qui avez répondu à notre invitation.
Au nom de la population de Sallespisse, j'adresse tous mes meilleurs sentiments à la Famille Daniel ARGOTE. N'oubliez pas : vous êtes chez vous à Sallespisse.
Je vous remercie.

                            Jean-Pierre LAPOUBLE, Maire de Sallespisse

 

 

 

plaque orthez

Monument au Collège Argote d'Orthez

Bibliographie :

    - Sud-Ouest du 07/05/2011

    -  Wikipedia

    - Association BPSGM Les Basses Pyrénées dans la seconde guerre mondiale 64000 Pau, publié le 26 avril 2015 par Valérie Trémaudant

            - Blog de Sallespisse-d-hier-et-d-aujourd-hui

            - Sud-Ouest du 03/05/2011

            - http://lepetitmondedaudrey.alloforum.com

            - http://www.bernard-antony.com

            - http://lemondepolitique.free.fr

            - http://www.lexpress.fr


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